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Ni vues ni connues (COLLECTIF GEORGETTE SAND)

note: 3Faut-il s’appeler Georges pour être prise au sérieux ?Anonyme - 2 mars 2018

Partant du constat que les femmes d’exception ne sont pas au Panthéon, rarement dans les livres d’histoire, peu souvent dans les mémoires, le collectif Georgette Sand présente quelques-unes de ces oubliées de la renommée.
Non, le propos n’est pas d’affirmer la supériorité des femmes, il ne s’agit pas du tout d’un féminisme agressif. Mais ces portraits démontrent les processus d’invisibilisation qu’elles subissent.
Une femme peut-être derrière, autour, éventuellement tout contre ou aux côtés d’un homme d’exception, mais elle ne peut être LA personne d’exception. Qu’en penserait Mme Winnie Mandela ?... C’est pourquoi au lieu d’être présente dans une biographie des grands hommes, vous la trouverez plutôt citée dans une collection pour enfant.
C’est également la raison pour laquelle elle a plus de chance de finir dans un recueil de contes et légendes de sorcellerie plutôt qu’au pupitre du Prix Nobel, n’en déplaise à Mme la comtesse Bathory.
Quand sa vie de combat n’est pas résumée qu’à un fait anecdotique (n’est-ce pas Mme Rosa Parks, qui, si fatiguée, un jour, ne put se lever de sa place de bus pour la céder à un blanc…).
Elle peut faire de l’événementiel mais pas changer le monde, en découvrant que la terre est ronde, en libérant l’art du modèle figuratif ou en dépistant une maladie génétique par exemple...
Chaque femme fait l’objet de 2 ou 3 pages, clair, concis et souvent très drôle. Un ton volontairement humoristique teinté d’insolence pour amener la réflexion de fond avec souplesse. Encore une fois messieurs, ouvrez ce livre, n’y voyez pas une déclaration de guerre !

Tenebra Roma (Donato CARRISI)

note: 4Rome apocalyptique Laëtitia - 28 février 2018

En l’An 1521, le Pape Léon X émit une bulle comme quoi Rome ne devait jamais se retrouver dans l’obscurité. De nos jours, suite à des conditions climatiques exceptionnelles (crue du Tibre) et à une coupure d’électricité de 24 heures, la ville éternelle est plongée dans le noir et un couvre-feu est décrété.
«Tenebra Roma» est le troisième volet de la série mettant en scène Marcus, prêtre aux méthodes peu orthodoxes, chasseur de mal, et Sandra, photographe pour la police scientifique. Tous deux enquêtent sur une disparition vieille de neuf ans, la mort suspecte d’un cardinal et des meurtres rituels.
Flics corrompus, hommes d’église troubles, missionnaire serial-killer caché par l’ordre des Veuves du Christ, ordre satanique, les péripéties et les chausse-trapes nous emportent dans un tourbillon de crimes tous plus atroces les uns que les autres.
A la fois thriller ésotérique et thriller psychologique, on ne peut se résoudre à lâcher ce roman qu’à la toute dernière page.

Betty Boob (Véronique CAZOT)

note: 3"Si tu ne peux plus me regarder, alors je ne veux plus te voir"Anonyme - 15 février 2018

Attention récit burlesque ! Et pourtant, sujet pesant. Le cancer du sein…Et après ? Déconstruction, reconstruction, implosion puis explosion. D’un thème en béton armé, les auteures font une œuvre onirique.
Tout commence par l’ablation du sein de l’héroïne. Immédiatement, sans parole, le dessin flamboyant de Rocheleau restitue avec intensité les pensées comme les émotions.
Aucune information médicale, pas de témoignage. Juste un parcours imaginaire dans une envolée expressionniste.
Déroutant, pas toujours agréable je dois l’admettre, mais riche.

Les Danois (CLARKE)

note: 3... Laëtitia - 15 février 2018

S’agit-il d’une épidémie ou de manipulations génétiques orchestrées par de grands laboratoires pharmaceutiques ? Partant de ce postulat dramatique, Clarke imagine dans cette BD d’anticipation des communautés immigrées du Danemark, puis d’Europe, victimes du virus «blond aux yeux bleus», qui devient dominant et modifie le patrimoine génétique.
Cette théorie en apparence farfelue mais qui a été validée par des épigénéticiens nous laissent entrevoir un futur où la population serait alors divisée en deux camps : ceux qui considèrent qu’en devenant tous identiques, il n’y aurait plus de racisme et de division, et ceux qui réclament un vaccin afin de garder leurs droits à la différence.
D’un point de vue graphique, j’aime beaucoup le dessin réaliste, le focus sur les visages des personnages principaux, et du point de vue de l’histoire, j’ai apprécié ces interrogations philosophiques, même si elles auraient méritées d’être approfondies.
Une BD originale à découvrir absolument.

Le lys noir n° 1
Faustine (François LARZEM)

note: 5Une justicière masquée Pauline - 14 février 2018

Combats à l'épée, inventions folles, complots, courses poursuites, morts. Beaucoup d'action et pas de longueurs ni de mièvreries. Faustine est une justicière masquée et terriblement attachante. L’auteur, François Larzem nous livre ici un roman rythmé, bourré d'aventures et de rebondissements.
C'est un excellent Young Adult, qui offre un univers que l'on ne rencontre pas si souvent, et développé avec beaucoup de talent. En bref, ce roman de cape et d'épée et de morts-vivants (oui oui aussi !), sort du lot et se déguste sans modération!

Simon Thorn n° 1
Simon Thorn et le sceptre du roi animal (Aimée CARTER)

note: 4... Pauline - 14 février 2018

Simon est un jeune garçon qui souffre de l'absence de sa mère. Il vit avec son oncle, surprotecteur ! Mais Simon a un secret, un don extraordinaire, il parle aux animaux et plus encore… !!! Un premier tome bourré d'action et de découvertes que l'on passe aux côtés d'un héros attachant, les pages défilent à toute vitesse et on en redemande ! Vivement la suite !

Le Manuscrit de Beyrouth (Jabbour DOUAIHY)

note: 3...Anonyme - 10 février 2018

Surprenant, ce roman qui semblait commencer dans le plus grand sérieux, prend des allures cocasses.
Les personnages lisses et presque rigides, s’effritent de petits travers en petites moqueries.
L’auteur parvient à nous faire suivre avec intérêt croissant, un protagoniste qui n’est pourtant même pas attachant.
La grande réussite de ce roman, c’est ce personnage hors du commun : l’imprimerie.
Fabuleuse, elle fait vibrer le récit de son aura romanesque ! On retrouve cette forme de littérature moyen-orientale, la saga familiale à travers l’histoire du pays. Mais ce n’est pas le fond du sujet. Jabbour Douaihy, professeur à l’université de Tripoli, traducteur et écrivain, moucharde le monde de l’édition, s’amuse de l’égo de l’auteur et de ses mythes fondateurs, ironise sur ses amours. Même pas méchant, ce roman n’est pas non plus triste, rare donc !

Les enquêteurs de l'Antiquité n° 1
Le cobra d'or (Alain SURGET)

note: 4Voyage dans l'Egypte antique Pauline - 9 février 2018

« Le Cobra d'or » est le premier tome d'une nouvelle série de romans historiques jeunesse, « Les Enquêteurs de l'Antiquité » d’Alain Surget.
Mérit et Timos vont devoir remplir une mission de la plus haute importance, même s'ils doivent pour cela, risquer leur propre vie ! Ils se retrouvent rapidement au cœur de la pyramide de Khéops pour trouver le cobra d'or, symbole du pouvoir égyptien. L’auteur fait intervenir des personnages historiques ayant réellement existé comme Arsamès, le gouverneur de l’Égypte ou Amyrtée, le prince rebelle.
Alain Surget, passionné d'Antiquité, nous offre une aventure et une enquête policière en plein Ve siècle avant J.-C., en Égypte ! N’hésitez pas, venez découvrir ce nouveau roman !

Mon traître (Pierre ALARY)

note: 3Un salaud, c'est parfois un type bien qui a renoncéAnonyme - 8 février 2018

On parle de roman pour « Mon traître » car Sorj Chalandon a modifié les noms et pris quelques libertés pour relater sa propre histoire d’amitié trahie avec Denis Donaldson, figure emblématique de l’IRA. Pour le cœur du sujet, tout est vrai et d’autant plus déchirant.
Adapté au théâtre, le récit qui continue de fasciner, est aujourd’hui mis en images.
Evidemment, on ne retrouve pas toute la profondeur de la nature des relations qui unit les 2 hommes en quelques planches comme en 300 pages de roman.
D’autre part, ce témoignage touche à plusieurs questions existentielles, l’amitié, la confiance, la liberté… Mais s’il en est une qui me frappe dans cette adaptation, c’est bien celle de l’engagement. Qu’est-ce qui pousse ce jeune français à se plonger si intensément dans une guerre qui n’est pas la sienne comme le lui rappellent sans cesse ses amis en France comme en Irlande.
Bien que tenu fermement à distance par les irlandais, il ne peut s’empêcher d’embrasser la cause jusqu’à rendre des services à L’IRA. Dans la BD, le survol de la genèse du lien qu’il tisse avec le pays, rend cette adhésion, pratiquement cet abandon, un peu invraisemblable.
Néanmoins, elle rend fidèlement l’atmosphère et les personnages sont bien incarnés sous les traits durs et les nuances de bistre et de brun. Surtout, elle ne trahit pas la force d’un récit qui permet à chacun de s’interroger précisément sur sa capacité à trahir.

Gabriële (Anne BEREST)

note: 3Gaby oh Gaby Laëtitia - 31 janvier 2018

Gabriële Buffet-Picabia a toujours été en avance sur son temps, et son premier fait d’arme sera d’être la première femme à intégrer la Schola Cantorum, dans la classe de composition, à l’âge de 17 ans. Pour fuir une éducation traditionnelle et échapper à l’imminence d’un mariage arrangé, elle part pour Berlin suivre les cours magistraux de Ferruccio Busoni. Là, elle découvre l’effervescence de la création et l’émulation intellectuelle entre artistes, mais aussi la vie de bohème. Mais deux ans plus tard, elle lâche tout par amour pour Francis Picabia, génie en devenir dont elle sera sans conteste «l’accoucheuse». Très entourée (aimée de Duchamp et entretenant une amitié forte et dénuée d’ambiguïté avec Apollinaire), elle n’en demeurera pas moins la femme d’un seul homme, malgré ses crises maniaco-dépressives, son goût prononcé pour l’opium et ses nombreuses maîtresses.
Dans ce roman biographique écrit à quatre mains par les arrière-petites-filles de Gabriële, c’est tout un pan de l’histoire de l’art du début du XXe siècle qui s’anime devant nos yeux éblouis et voit l’avènement des avant-gardes en peinture (cubisme, futurisme), littérature (dadaïsme) et musique (Stravinsky et son révolutionnaire «Sacre du printemps», Debussy, Ravel…).
C’est aussi une réhabilitation de la figure de Gabriële, paradoxale car à la fois féministe et s’effaçant pour laisser toute la place à Picabia. Cette artiste malgré elle, dont on trouve le nom dans la biographie des autres, a enfin droit à la lumière et ce n’est que justice.

Plonger (Christophe ONO-DIT-BIOT)

note: 3Autopsie d'une passion Laëtitia - 19 janvier 2018

«Plonger» est l’histoire d’une passion amoureuse qui finit mal, une variation d’Orphée et d’Eurydice. En effet, César (quasi double de l’auteur) de par le pouvoir incantatoire des mots, tente de faire revenir l’être aimé, Paz, d’entre les morts. Au-delà d’un homme amoureux désireux de faire advenir ce qui n’est plus, c’est le souci du père de transmettre à leur enfant des souvenirs d’une mère qu’il n’aura que très peu connue qui le pousse à convoquer ses souvenirs.
D’où la structure de ce roman proche de l’autofiction qui s’articule en trois parties : la première évoque la passion naissante, la deuxième les malentendus qui gangrènent peu à peu leur relation et la troisième le départ de César aux Émirats pour recueillir la dépouille de Paz et tenter de comprendre le besoin d’évasion de sa femme, sa fascination pour les squales (elle avait adopté un requin-marteau) et sa fin tragique.
Que les choses soient claires : «Plonger» n’est pas «Belle du seigneur» et n’est pas Albert Cohen qui veut. Néanmoins, en dépit des critiques littéraires (plutôt «vachardes» pour certaines) et de lieux communs sur le monde de l’art, voire des personnages trop convenus (qu’il est agaçant ce stéréotype de l’Espagnole aux yeux de braise et au caractère volcanique, mais bon), la lecture de «Plonger» résonne encore longtemps en vous.
Car l’auteur excelle à faire ressentir la saveur des premières fois (premier contact charnel, premier voyage dans les Asturies, premiers émois face à son fils). Et dans la dernière partie du roman (la plus réussie selon moi), la poésie avec laquelle il décrit le monde aquatique et ce besoin d’une connexion à la nature fonctionne à merveille, puisqu’on a presque la sensation d’être soi-même immergé dans ces abysses.
Alors … plonger !

Frigiel et Fluffy (BD) n° 1
Le mystère des pastèques perdues (FRIGIEL)

note: 3Frigiel et Fluffy en BD ! Anonyme - 17 janvier 2018

Que faire quand on a 23 ans, une chaîne Youtube sur Minecraft et des podcasts à plusieurs millions de vues ?

Facile : adapter en roman "Frigiel et Fluffy", la mini-série phare de sa chaîne Youtube, se rendre compte du succès desdits romans et dans la lancée publier une BD sur le même principe.

C’est facile, me diriez-vous. Oui, certes. Et encore : avec les graphismes Minecraft assez pixélisés et aucune expérience dans le monde de la BD, ce n’était pas franchement gagné. Sauf que Frigiel, de son vrai nom Alexandre, a du talent. Et qu’en gamer passionné, il n’hésite pas à nous en faire profiter.

Le résultat : une BD fraîche et dynamique, des héros qu’on connait déjà mais qu’on aime quand même beaucoup, de l’humour et de l’aventure.

De quoi satisfaire les passionnés de Minecraft !

Chaleur (Joseph INCARDONA)

note: 3...Anonyme - 11 janvier 2018

Drôle de petit roman que celui-ci.
Le sujet dérive d’un fait divers survenu lors des championnats du monde de sauna en 2010 à Heinola, Finlande. Déjà plusieurs éléments troublants dans cette présentation !
A osciller entre trivialité et humour on hésite entre rire et agacement. Mais Les intentions sont honnêtes et les personnages suffisamment incarnés pour se laisse finalement porter par le récit.
Une écriture affutée au polar mise au service d’une satire sociale.

Les Huit montagnes (Paolo COGNETTI)

note: 3... Laëtitia - 4 janvier 2018

Paolo Cognetti vit depuis plus de dix ans à 2 000 mètres d’altitude, dans un hameau du Val d’Aoste, où il mène une vie proche de la nature, à l’abri de notre civilisation urbaine où surconsommation, stress et course après le temps prédominent.
«Les Huit montagnes» est l’histoire d’une amitié entre deux garçons, Pietro le jeune milanais qui vient passer ses vacances d’été à Grana, et Bruno, berger. Bien des années plus tard, une fois adulte, Pietro retourne à l’alpage et renoue avec Bruno une amitié tissée de pudeur, de randonnées et de joies simples : «Au coucher du soleil nos soirées interminables commençaient. L’horizon au fond du vallon rougissait quelques minutes à peine, avant qu’il ne fasse nuit noire. Après, la lumière était la même jusqu’à l’heure d’aller dormir. Il était six, sept, huit heures, et nous les passions en silence devant le poêle, chacun avec une bougie pour lire, la clarté du feu, le vin qui devait nous faire tenir, la seule distraction du dîner».
Mais c’est aussi l’histoire d’une filiation, avec un père tour à tour taiseux et colérique, qui tente de transmettre maladroitement à son fils son amour des sommets et son amour tout court.
Ce prix Médicis étranger 2017 vous ravira si vous aimez les amitiés enfantines à la Pagnol, la pudeur des sentiments et la nature.

Ki & Hi n° 2
Une famille de fous ! (Kevin TRAN)

note: 4Le Rire jaune : de Youtube au manga. Anonyme - 2 janvier 2018

Du talent, Kévin Tran en a à revendre.
Youtuber reconnu, avec une chaîne – Le Rire Jaune - à plusieurs millions d’abonnés, il enchainait déjà les podcasts humoristiques, entrainant avec une énergie et un dynamisme sans faille son petit frère Henry dans la foulée.
De scénariste Youtube à scénariste manga, il n’y a qu’un pas. Mais encore faut-il le franchir…

Pari cependant réussi. Les histoires sont courtes, mais drôles, emportant les deux frères dans un tourbillon de situations cocasses et de gags loufoques et malgré tout bien ficelés. Les personnages sont parfois un peu tirés par les cheveux, mais on s’y attache sans peine tant ils sont cohérents dans cet univers complètement décalé.

Pour faire simple, Ki et Hi, c’est un manga feel-good à lire par tous les temps.

Le 28 octobre (Piero CHIARA)

note: 3L’éducation sentimentale de Candide au bord du lac Majeur.Anonyme - 28 décembre 2017

Légère, cette nouvelle tout en sourire prend l’allure d’une farce grivoise dans une petite ville d’Italie. On s’y moque doucement mais sûrement de la bourgeoisie provinciale et des pantins de Mussolini.
Une lecture light mais pas sans saveur pour autant, il y a comme une deuxième couche à l’intérieur !

Le Premier homme (Jacques FERRANDEZ)

note: 3...Anonyme - 27 décembre 2017

Avec cette adaptation de roman en BD, vous aurez deux biographies et un documentaire historique pour le prix d’une fiction.
« Le Premier homme » c’est déjà l’histoire étonnante d’un roman inachevé et publié 30 ans après la mort d’Albert Camus grâce à l’intervention de sa fille.
Récit autobiographique de sa jeunesse à peine déguisé sous les traits du jeune Jacques Cormery, Ferrandez lui aussi né à Alger, s’y retrouve étrangement, troublé au point d’en proposer une illustration éloquente. Cela dit, Ferrandez, l’auteur des Carnets d’orient, n’en n’est pas à son coup d’essai, c’est sa 3ème adaptation de Camus en BD.
Le lecteur peut donc lui faire confiance pour restituer l’atmosphère méditerranéenne dans toutes ses couleurs, ses colères, sa complexité.
Colonisation et décolonisation en toile de fond, évocation inévitable mais dosée des problématiques politiques.
Quant au récit, il force davantage l’admiration que l’on peut avoir pour l’homme autant que pour l’écrivain. Des figures puissantes dans l’ombre de l’enfance : la mère illettrée et malentendante, le père mort à la guerre, l’instituteur providence et l’inflexible grand-mère armée de son nerf de bœuf.
Par certains aspects, on retrouve des éléments communs avec la vie d’Albert Cohen, la honte de la pauvreté, la honte d’avoir honte, l’amour incommensurable pour la mère, le grand écart social entre l’enfance et l’âge adulte.
Un BD touchante qui donne envie de relire Camus.

Ils étaient tous mes fils (Arthur MILLER)

note: 3"Je sais que tu n'es pas pire que les autres"Anonyme - 23 décembre 2017

Encore étudiant au moment où il écrit cette pièce, Arthur Miller fait preuve d’une maturité précoce sous une plume narquoise.
Tous étaient mes fils ou le drame du « j’ai fait ce que je pensais être le mieux pour vous mes enfants, même au prix de la vie des autres ».
Arthur Miller dissèque le torse bombé des cadors et gratte les façades rangées des saintes familles. Et que dévoile-t-il ? L’Amérique d’après-guerre, héroïne aux mains sales, gorgée de dollars et de morale dominicale.
Cette courte pièce de théâtre encore jouée 60 après (parue en 1947 aux Etats-Unis) ne perd rien de son sens. « Rien de nouveau sous le soleil» nous avertissait Salomon…
« Je sais que tu n'es pas pire que les autres mais, je te croyais meilleur parce que, pour moi, tu n'étais pas un homme, tu étais mon Père. »

Brève encyclopédie du monde n° 1
Cosmos (Michel Onfray)

note: 4Livre passionnant Anonyme - 2 décembre 2017

Livre passionnant et 1 er volé d'une trilogie qui permet de découvrir notre civilisation d'un point vu philosophique, historique et cosmologique ... Ce qui est intéressant chez Onfray ç'est qu'il parle simplement de choses que d'autres compliquent ! Le second volé est aussi très intéressant car il s'attaque à notre conception du monde basé sur le judéo-christianisme, sur la révolution Française (jacobins, girondins), le communisme et les 2 guerres, mais 68 ... qui sont pour l'auteur une simple continuité du nihilisme ambiant.

Grand frère (Mahir GUVEN)

note: 3... Laëtitia - 18 novembre 2017

Les romans ont toujours pris le pouls de la société, aujourd’hui, rien d’étonnant à ce que certains auteurs s’emparent de sujets brûlants tels que la difficulté de vivre dans certains quartiers, la tentation du communautarisme, ou encore du djihad. On pense à «Evelyne ou le Djihad» de Mohamed Nedali ou encore aux romans percutants de Julien Suaudeau.
Pressenti pour le Médicis (qu’il n’a pas eu, ce sera sans doute pour une prochaine fois), Mahir Guven nous plonge au cœur d’une fratrie franco-syrienne : Grand frère, chauffeur de VTC et fumeur de ganja, et Petit Frère, l’intellectuel de la famille, infirmier, parti par idéalisme en Syrie pour soigner les civils au sein d’une ONG. Entre eux, le Père, communiste invétéré, une grand-mère adorée mais dévastée par Alzheimer, et le souvenir persistant d’une mère trop tôt emportée par la maladie.
S’ensuit un roman riche en rebondissements (notamment suite au retour de Petit Frère en France), mais c’est aussi un récit de la colère, contre un monde ubérisé qui condamne les êtres à la misère affective et à la paupérisation, colère contre une société qui prône l’égalité mais pas pour tous, colère contre ceux qui embrigadent des enfants vers la mort.
Un roman percutant, juste, sans pathos ni parti pris, porté par une écriture mélangeant «bon français» et langage des cités, pour plus de réalisme.

Correspondance, 1944-1959 (Albert CAMUS)

note: 3...Anonyme - 16 novembre 2017

Un échange épistolaire en forme de fossile dans notre siècle digital. 15 années de communication couchées sur du papier sans emoticône, sans abréviation ni acronyme. Une correspondance dont on peut mesurer la longueur et la lenteur en cm d’épaisseur et en poids sur les genoux. Illisible dans les transports en commun, incompressible…Totalement inadapté à notre époque. Et c’est là aussi une partie de son charme.
Quand on pense que c’est là le fruit d’une seule liaison et que l’on sait que Camus ne s’en est pas contenté ! Combien diable de lettres a-t-il pu écrire dans sa vie ?! Camus est un fleuve. Et que dire de Casarès ? Libre, combative. Sa plume ruisselle également.
Aussi éblouissantes soient-elles, on ne m’ôtera pas de l’esprit que lire des lettres qui ne nous sont pas destinées, laisse malgré tout un sentiment de malaise. Symptôme d’une génération pré-téléréalité sans doute.
Bien-sûr, on touche souvent à l'universel sous le vernis de leur intimité lorsqu'il est question du sens de la vie, dans une société tout juste libérée des nazis mais pas encore de Franco.

Contes italiens (FRERES TAVIANI)

note: 3Cinéma italien Laëtitia - 2 novembre 2017

Auréolés d’un Ours d’or à Berlin pour «César doit mourir», les octogénaires mais toujours alertes frères Taviani reviennent à leurs premières amours, le cinéma romanesque, sous forme de film à sketchs.
La trame se situe dans le Quattrocento de la Renaissance, où des jeunes femmes et des jeunes hommes bien nés décident de fuir Florence ravagée par le fléau de la peste et d’attendre une accalmie dans la campagne toscane. Ils s’organisent alors en communauté et pour faire passer le temps, ils racontent à tour de rôle des histoires ayant pour thème l’amour et ses nuances, développant particulièrement le thème de l’amour plus fort que la mort. De l’amour courtois aux plaisirs de la chair, du tragique à la farce, le fil rouge de toutes ces histoires est de contrevenir à la morale bien-pensante.
Si les frères Taviani ont respecté cette vision de Boccace, leur dernier film n’en reste pas moins une libre adaptation de cinq contes du «Décaméron». Et si certains critiques ont dénoncé un certain académisme (parfois à raison) et ont vite fait de parler d’un film inégal, il n’en demeure pas moins un film atemporel qui célèbre la vie et l’amour, qui nous transporte tant par ces contes édifiants que par le soin apporté à la photographie léchée nous donnant l’impression d’entrer dans des tableaux de maîtres, et à la musique (Verdi, Puccini mais aussi de la musique moderne) mettant ces scènes en relief.
La sérénité, les nobles sentiments l’emportent ici sur la noirceur de l’âme humaine, voilà qui fait du bien et me fait préférer cette version à celle de Pasolini, plus paillarde et proche de la satire féroce.
Donc, à vous de trancher !

Les Disparues d'Orsay (Stéphane LEVALLOIS)

note: 3...Anonyme - 25 octobre 2017

Pour aborder la lecture de cet album honnêtement, il faut tout de suite annoncer qu’il s’agit d’une commande du Musée d’Orsay pour célébrer ses 30 ans d’ouverture. Eh oui, on peine à croire qu’il soit si jeune tant sa renommée est grande, pourtant, il n’était rien avant 1986 qu’une gare désaffectée.
Une fois informé, on comprend la forme un peu catalogue d’expo déguisé.
Ceci explique également le scénario parfois déroutant sous couvert d’atmosphère onirique et relevé de quelques très belles trouvailles.
Néanmoins, les planches sont magnifiques et les amoureux de peinture à la charnière des 19e et 20e siècles seront servis.

Le chant de la mer (Tomm MOORE)

note: 5le chant de la mer Anonyme - 10 octobre 2017

Un véritable petit bijou de poésie ;)

Summer (Monica SABOLO)

note: 4... Laëtitia - 16 septembre 2017

«Nous avions couru dans le noir jusqu’au bord de l’eau. Nous nous étions déshabillés à toute vitesse, et sous nos pieds, les rochers étaient aussi doux qu’une moquette humide. Les réverbères se reflétaient dans le lac, on aurait dit qu’ils brillaient depuis les profondeurs. […] Je voyais la terrasse où nous étions assis, quelques minutes auparavant, et soudain, tout semblait aussi simple que d’entrer dans un univers parallèle, une faille dans l’écorce terrestre, où nous flottions, suspendus entre la voûte étoilée, telle une cloche scintillante posée sur la terre, et les abysses sous nos pieds».
Ici, le Léman est un personnage à part entière, tour à tour splendide, inquiétant, féérique, parfois métaphore de l’âme humaine, où dans les profondeurs se cachent des monstruosités. L’écriture poétique, l’atmosphère onirique, portent de bout en bout une histoire âpre, celle de Summer, jeune fille de 19 ans auréolée de cheveux blonds soyeux, aux longues jambes, symbole de la jeunesse dorée genevoise, qui disparaît un jour d’été. Qu’est-il advenu d’elle : kidnapping, meurtre, noyade, fuite ?
Vingt-cinq ans plus tard, le narrateur, son frère Benjamin, se replonge dans ce mystère, bien décidé à le résoudre, et à en finir avec ses cauchemars aqueux et ses souvenirs d’enfance flous. Peu à peu, le vernis social s’effrite, la vérité se fait jour.
Monica Sabolo excelle plus que jamais, entre excursions en voiliers et fêtes, à décrire ces familles de notables où sous des dehors bling, la violence et l’horreur sont tapies.
Sélectionné sur de nombreuses listes de prix (dont le Goncourt), «Summer» est une des révélations littéraires de septembre à lire absolument.

Dans les Forêts de Sibérie (Safy NEBBOU)

note: 3...Anonyme - 9 septembre 2017

Adaptation libre du récit autobiographique de Sylvain Tesson.
Avec le refrain ordinaire du jeune urbain renonçant à son confort pour se retrouver, à la source de la vie sauvage, le réalisateur parvient à faire une chanson si ce n’est nouvelle, du moins séduisante. Et si le scénario ne vous emballe pas, le lac Baïkal à lui seul justifie la séance.

La belle et la bête - Le film (Bill CONDON)

note: 5Toute la féerie de Disney Pauline - 8 septembre 2017

Magique, féerique… Un film merveilleux comme Disney sait le faire. On en prend plein la vue, couleurs, personnages animés, musique… Cette version de « La belle et la bête » est à couper le souffle. Pas d’âge limite pour se laisser entraîner dans cette fabuleuse histoire, que l’on connait tous, mais qui tient toutes ses promesses.

Dégradé (Tarzan NASSER)

note: 3...Anonyme - 7 septembre 2017

Certains utilisent le taxi, d’autres préfèrent le salon de coiffure pour dame comme observatoire de la société.
Pour la forme, ce huis-clos semble avoir été écrit pour le théâtre. Scène unique où sont piégées des femmes d’origines sociales diverses ayant pour seuls points communs de vivre dans un pays en guerre et d’être allées ce jour-là chez la coiffeuse slave.
Lumière d’intérieur, tons chauds, mobilier disparate. Dehors, la menace.
Non sans rappeler Caramel de Nadine Labaki au départ, « Dégradé » adopte un ton bien plus grave.
Ambiance électrique, ventilateur vrombissant, personnalités stéréotypées- pour la bonne cause didactique- néanmoins attachantes. Un tableau de Delacroix qui prend vie avec ses femmes, son lion, ses drames, l’orient.
Film écrit et réalisé par le tandem de frères jumeaux du cinéma palestinien, Tarzan et Arab Nasser. D’ailleurs présence féline de Tarzan à l’écran, icône des guerres intestines, de la virilité brutale, aux yeux cernés de khôl.

L'Amie prodigieuse n° 3
Celle qui fuit et celle qui reste (Elena FERRANTE)

note: 3...Anonyme - 2 septembre 2017

Tant de chroniques dans tous les médias, tant de bruit jusqu’à la nausée, forcément, on aborde la lecture avec un apriori.
Alors oui, ce roman peut être clairement qualifié de féminin, mais cela n’en fait pas une bluette pour autant.
Les thèmes abordés touchent à l’universel, Naples est un personnage puissant à part entière, le quartier palpite et l’histoire de l’Italie frémit. Les personnages hauts en couleur ont assez de nuances pour ne pas être caricaturaux.
Cette trilogie a ce je ne sais quoi en plus qui fait mordre à l’hameçon, peut-être assez facilement si l’on est sensible à la culture méditerranéenne.
Si c’est votre cas, vous ne verrez pas filer les 3 premiers volumes et vous attendrez le 4e avec impatience.

Cherche mari désespérément (Ghada ABDEL AAL)

note: 3...Anonyme - 28 juillet 2017

Réédition du roman « La Ronde des prétendants » paru en 2013 renommé pour l’occasion « Cherche mari désespérément »
Rien ne prédestinait Ghada Abdel Aal, pharmacienne trentenaire de son état, à devenir l’auteur d’un best-seller traduit dans plusieurs langues après avoir été la blogueuse la plus suivie du monde arabe.
Mais voilà, cette femme a décidé de mettre sa fierté de côté pour parler franc de sa situation de femme célibataire (vieille fille dès 23 ans en Egypte si l’on en croit son héroïne !).
Avec énormément d’humour, elle nous fait vivre le quotidien à rebondissements de Bride, une jeune pharmacienne célibataire pressée par son entourage de trouver rapidement un mari...Hum, toute ressemblance avec l’auteure…Raison pour laquelle c’est aussi drôle que grinçant. Certes la comparaison avec Bridget Jones est inévitable, mais on décèle une dimension sociologique en plus dans ces brèves de famille.
Il est difficile d’admettre qu’on a beaucoup ri de situations parfois si humiliantes pour cette femme, mais c’est ainsi qu’elle a souhaité nous parler d’elle et évoquer sa situation délicate. Alors respectons son parti pris, moquons-nous de ces hommes ridicules, rions franchement à leur barbe !

Inhumaines (Philippe CLAUDEL)

note: 2La caricature est un art difficile et la critique est aiséeAnonyme - 27 juillet 2017

Oui, Philippe Claudel a coutume d’utiliser l’humour noir, l’absurde, pour évoquer notre société folle. Mais, car bien-sûr il y a un mais, le burlesque de la pièce Le Paquet et les non-dits du roman Le Rapport de Brodeck, étaient bien plus pertinents que le ton outrancier adopté dans ces nouvelles.
Ça fait un peu « auteur en manque d’inspiration s’adresse à lecteur en manque de sensation».
Etonnant de la part de cet homme qui semble pourtant honnête. Une tentative « trash » peu réussie néanmoins, pas de quoi crier au crime comme ont pu le faire certains critiques. L'avantage des nouvelles c'est qu'on peut piocher et ne pas se resservir.

Alceste à bicyclette (Philippe LE GUAY)

note: 4Un misanthrope à l'île de Ré Laëtitia - 25 juillet 2017

Gauthier Valence (Lambert Wilson), quinquagénaire sexy, acteur adulé pour son interprétation du docteur Morand dans une sitcom insipide dont on sent qu’il n’assume pas vraiment la filiation, se rend sur l’île de Ré retrouver Serge Tanneur (Fabrice Luchini), dont «L’ami du genre humain n’est pas du tout mon fait», acteur dégoûté du microcosme artistique parisien, d’où l’exil en Charente-Maritime. Valence nourrit l’espoir de convaincre son vieux comparse de renouer avec le théâtre et de jouer avec lui le «Misanthrope».
Commence alors un semblant de parade nuptiale, où les personnages se flattent l’un l’autre, puis entament les répétitions, alternant les rôles d’Alceste et de Philinte. Pour les amoureux de la langue de Molière, c’est un véritable régal que d’entendre ces alexandrins déclamés par un Fabrice Luchini en représentation perpétuelle, et un Lambert Wilson qui ne démérite pas, plus en sobriété mais tout aussi efficace. Mais l’intérêt du film réside aussi dans ce qu’il nous interroge sur la relation à l’autre, sur le masque social dont on veut couvrir l’autre, et cela transparaît au gré des répétitions mais aussi des intermèdes de détente (rencontre avec une belle Italienne, une jeune blonde actrice de films x), où chacun se révèle dans sa complexité, tour à tour mesquin et généreux, manipulateur et bienveillant.
Un excellent film éreinté à sa sortie par de nombreux critiques de cinéma, comme souvent à côté de la plaque, et qui nous donnent envie de nous muer en Alceste pour moquer ces Philinte, mais bon, restons smart…

Arrêtez-moi là (Gilles BANNIER)

note: 3Erreur judiciaire Laëtitia - 11 juillet 2017

Un chauffeur de taxi, la trentaine, serviable (il livre les courses à sa vieille voisine, dépose deux étudiantes éméchées à leur cité U sans leur faire payer la course), tel est le coupable idéal de cette sombre histoire d’enlèvement de fillette. S’inspirant du roman éponyme de l’écrivain écossais Ian Levison, Gilles Bannier nous livre un thriller efficace, prenant, bien que non dénué de clichés et de maladresses – on déplorera notamment le manque de réalisme concernant les scènes de tribunal, où la défense n’a quasiment pas droit à la parole-. Néanmoins, ce premier film vous embarque, la description quasi clinique, glaçante, d’une justice semblant plus soucieuse de mettre n’importe qui derrière les barreaux plutôt que de ne coffrer personne, conjuguée aux combines de la police, vous sidère autant qu’il vous indigne. Bref un thriller bien ficelé, à défaut d’être le film du siècle, porté par un superbe casting d’acteurs – Reda Kateb, qui incarne cet homme victime d’une erreur judiciaire, toujours impeccable, sobre, Gilles Cohen, épatant en avocat commis d’office, ou encore Erika Sainte qui incarne une petite amie pas si nette qu’il n’y paraît.

Journées parfaites en Suisse (Salomé KINER)

note: 3Une amie qui vous veut du bienAnonyme - 8 juillet 2017

Oui, je veux mon titre d’ambassadrice de l’amitié franco-suisse Monsieur E.
En effet, comme M.E, lecteur averti, vous l’aurez peut-être remarqué, j’ai régulièrement écrit des billets doux à propos d'ouvrages sur ou autour de la Suisse. Curiosité bienveillante envers nos voisins (bienheureux enfants gâtés) et coup de foudre pour les beautés de cet écrin alpin. Sans oublier les villes, que vous pourrez découvrir autrement avec ce guide d’un nouveau genre. Déjà et avant tout, première curiosité l’éditeur, Helvetiq, créateur de jeux dont la petite histoire de présentation mérite votre coup d’œil sur son site.
Pour le contenu c’est un peu « le sentiment géographique » de Gallimard mais version courte : une ville en une journée selon le circuit d’un habitant (stewart, journaliste, cuisinier, cinéaste…). Genève, Bâle, Fribourg, Berne… Littéraire mais concis, pratique, esthétique, épuré …efficace quoi. « Elégant sans ostentation, pratique mais recherché » voici la définition du style zurichois pour l’un des promeneurs de ce guide, elle fonctionne très bien pour le tout ! Bon faut-il encore en jeter ? l’aurai-je enfin mon passeport rouge à croix blanche ?
C’est que je prends des risques moi ! Je m’expose Monsieur E ! Des centaines de frontaliers sont susceptibles de me reprocher cette tendresse sans frontière. D’ailleurs, au moment même où j’écris ces mots imprudents, je guette depuis la fenêtre le bateau de 18h10 qui libèrera des flots de shadocks épuisés (oui c’est ainsi que certains helvètes désignent les frontaliers, c’est mal. Très mal. Comme quoi je note aussi les indélicatesses. Relire à ce propos la chronique sur « Bienvenue au paradis »). Bon mais là je vais me fâcher avec tout le monde, chassée des deux rives, ne me restera que l’exil…Peut-être au Luxembourg, nous verrons… Car même mon supérieur va prendre la mouche, une critique c’est 100 caractères, pas 10000 ! J’arrête.
Veuillez me pardonner Monsieur E de vous avoir pris à partie (amicalement) dans ce billet, mais je vous devais bien ça pour vous remercier de votre regard attentif et indulgent sur tous les précédents !
Service !

Le Ruisseau, le pré vert et le doux visage (Yousry NASRALLAH)

note: 3Tragicomédie sociale à la sauce Bollywood Laëtitia - 27 juin 2017

«Le Ruisseau, le pré vert et le doux visage» est une tragicomédie saturée de couleurs, de saveurs, tout en courbes et sensualité, loin des clichés d’une Egypte austère, même si certaines situations préoccupantes (crime d’honneur, emprisonnement abusif) ne sont pas occultées par Yousry Nasrallah. L’intrigue principale se noue autour du rachat imminent du restaurant de Yehya et de ses fils par un riche promoteur sans scrupules qui souhaite abandonner la savoureuse cuisine traditionnelle pour une insipide chaîne de fast-food. Tout autour vont se nouer des amourettes qui vont éclore lors d’un banquet de mariage (pivot central du film), sur fond parfois de lutte des classes sociales.
Les thèmes entrecroisés de l’amour de la bonne chair et de la chair tout court infusent nombre de romans («Chocolat amer» de Laura Esquivel, «Mise en bouche» de Jo Kyung-Ran) et de films. Celui-ci n’échappe pas à la règle, avec la sensualité des danses de femmes à l’abri des regards, osant même des chants paillards, des chorégraphies à la Bollywood, sans oublier la préparation et l’offrande de nourriture, autre vecteur de sensualité, invite à l’amour charnel, mais aussi véritable déclaration d’amour de Reffat confectionnant une mezikilia à la grecque pour les beaux yeux de Shadia, femme séduisante d’une classe sociale plus élevée que la sienne et plus âgée, revenue des Émirats-arabes unis et à qui il voue quasiment un culte.
Enfin, on notera une fin fantasque, à la limite du surréalisme, qui peut être interprété comme une métaphore de la société égyptienne, entre désillusion et désir de vivre pleinement.

Le Bureau des jardins et des étangs (Didier DECOIN)

note: 4Estampes japonaises Laëtitia - 22 juin 2017

Miyuki, jeune paysanne de Shimae, vient de perdre son époux Katsuro, pêcheur de carpes pour les étangs sacrés du palais impérial de Heiankyo. Pour la survie de son village mais aussi pour honorer la mémoire du défunt, Miyuki décide de livrer ses dernières carpes. Commence alors un voyage initiatique dans le Japon médiéval, qui révèlera Miyuki à elle-même et qui l’ouvrira au monde, longtemps délimité à la rivière Kusagawa.
J’ai particulièrement aimé cette immersion dans un monde méconnu pour un Occidental dans ce Japon du XIIe siècle, avec ses traditions, ses coutumes : le «Yobai» ou «intrusion nocturne» qui consiste à devenir mari et femme sans cérémonie, juste en se glissant dans le lit de sa promise plusieurs nuits ; le «Takimono awase», concours de parfums lancé par l’empereur, ou encore toute la préparation de Miyuki pour se transformer en «yujo», l’équivalent d’une geisha, avec poudrage du teint, dents teintes en noir et empilage de jupons, le tout considéré comme le must en terme de beauté de l’époque. Autre point fort de ce roman, le soin tout particulier apporté à une écriture ciselée qui sait à merveille restituer la beauté des paysages, la singularité de Miyuki – l’odeur qu’elle dégage, très particulière, qui sera comme un fil d’Ariane reliant divers événements pour culminer dans son apogée lors du «Takimono awase»-.
Une ode à l’amour, la beauté, la nature, comme autant de déclinaisons d’estampes japonaises raffinées et sensuelles.

Charlie Chaplin, images d'un mythe (Carole SANDRIN)

note: 4Charlot et ChaplinAnonyme - 9 juin 2017

Ce catalogue de l'exposition "Chaplin" au Palais Lumière permet de découvrir le personnage et l'artiste, devant et derrière la caméra. Une série de photos drôles et émouvantes de ses films cultes et de sa vie d'homme engagé et passionné. À feuilleter sans modération.

Tu ne tueras point (Mel GIBSON)

note: 5tu ne tueras pointAnonyme - 8 juin 2017

magnifique film

Lausanne, promenades littéraires (Daniel MAGGETTI)

note: 3Café du GrütliAnonyme - 6 juin 2017

Où êtes-vous si vous prenez un verre au Café du Grütli ?
A l’ombre de Genève, Lausanne peine à se faire un place dans le guide des villes qu’il fait bon connaître…Peut-être ne le cherche-t-elle pas. Moins clinquante, moins internationale, moins business class. Tout en pentes vertigineuses et montées sportives, cachée dans les vignes… Et plein sud quand vous admirez le lac! Lausanne c’est un café en terrasse ensoleillée quand Genève boit le brouillard !
(Pourtant rien n'y fait, les pieds dans l'eau et le nez dans les nuages, Genève est une belle dame !)
Pour les bonnes adresses, pour les évocations littéraires, pour les planches de BD (l’incroyable Palais de Rumine revisité par Witzig), également pour les dessins de Fanny Vaucher.
Si comme Blaise Cendrars, James Joyce, Charles-Ferdinand Ramuz, Lewis Trondheim, August Strindberg, Georges Simenon, Anne Cuneo, Cosey… vous passiez un peu de temps à Lausanne ?
"Les cimes de neige couronnent cette perspective d'Opéra, et , sous la terrasse, à nos pieds, les vignes jaunissantes se déroulent en tapis jusqu'au bord du lac."Gérard de Nerval

Tu ne tueras point (Mel GIBSON)

note: 4Dans l'enfer de la guerre Laëtitia - 23 mai 2017

Inspirée d’une histoire vraie, le dernier film du réalisateur australien dresse à la fois le portrait d’une certaine Amérique (imprégnée de valeurs morales, religieuses, patriotiques) et celui de Desmond Ross, jeune Adventiste qui s’enrôle dans l’armée en tant qu’infirmier pour servir son pays, mais refusant absolument de porter une arme. Le film est nettement découpée en deux parties, la première montrant la vie d’avant de Desmond, son amour naissant pour sa future femme, sa vie quotidienne auprès d’un père alcoolique et violent, et enfin son engagement, avec brimades et procès militaire à la clé, qu’il gagnera ; la seconde développant le récit détaillé de la bataille d’Okinawa, où il révélera sa vraie nature de héros.
N’en déplaise à ses nombreux détracteurs, Mel Gibson est de l’étoffe des très grands réalisateurs, filmant avec maestria les scènes de guerre de façon hyperréaliste, notamment avec un mouvement de caméra nous entraînant au-dessus de la falaise, nous donnant l’illusion d’être nous-mêmes plongés au cœur de la boucherie. On pense bien sûr au somptueux «Apocalypse Now», car «Tu ne tueras point» est à classer dans la catégorie des très grands films de guerre. Et on salue la performance d’Andrew Garfield, jeune acteur très prometteur.
Enfin, signalons que le vrai Desmond Ross a été décoré par le Président Harry Truman de la médaille d’honneur en 1945 pour avoir, au péril de sa vie, sauvé 75 hommes.

Un palais d'épines et de roses n° 1 (Sarah MAAS)

note: 5Après Divergente et Hunger Games, le nouveau phénomène littéraire Anonyme - 17 mai 2017

Comment commencer à décrire Un palais de Roses et d’Epines, premier tome d’une trilogie YA fantastique dont l’auteur n’est autre que Sarah MAAS (Keleana).

Pour en avoir beaucoup entendu parler sur les réseaux sociaux (actuel incontournable de tout bookstagrammeur qui se respecte) avec les hashtags #acotar (A Court of Thorns and Roses), #acomaf (A Court of Mist and Fury, le tome 2) et plus récemment #acowar (A Court of Wings and Ruins, dernier tome), j’étais assez curieuse de voir ce que ce roman valait réellement.

Et après plusieurs heures absolument captivantes, force est de constater qu’il est actuellement impossible de passer à côté du phénomène ACOTAR.

L’histoire, un remix plus sombre de la Belle et la Bête, remaniée à la Sarah MAAS, est magistralement construite, tout en détails et finesse, imprévisible et envoutante, sensuelle et ensorcelante. Le monde de Prythian prend littéralement vie sous nos yeux. Quant aux personnages, ils sont plus qu’attachants et on peine à les lâcher à la fin de ce premier tome.

Spoiler : le second tome est encore plus phénoménal !

En conclusion, avec ACOTAR, syndrome de « il est tard mais encore un chapitre et j’arrête » assuré ! A lire !

Chère Ijeawele, ou Un manifeste pour une éducation féministe (Chimamanda Ngozi ADICHIE)

note: 4Fiez-vous à la douce musique du titre et ne passez pas votre chemin au détour du sous-titre !Anonyme - 10 mai 2017

Parce qu’il n’est jamais inutile de rappeler des fondamentaux, et comme le bon sens n’a pas besoin de grandiloquence, il faut lire le simplissime et pertinent livre de Chimamanda Ngozi Adichie.
Une toute petite lettre au contenu précieux, comme un écho à la « Lettre à ma fille » de Maya Angelou.
Court, évident, juste

Une vie avec Alexandra David-Néel n° 2
Une Vie avec Alexandra David-Néel (Frédéric CAMPOY)

note: 2Une vie intrépide pour une BD sans audaceAnonyme - 6 mai 2017

Alors oui déception. Même si bien-sûr on y trouvera des qualités.
Le sommet devait être trop haut pour que l’ascension soit aisée, il faut reconnaître que les auteurs s’attaquaient à un sacré monument!
Il est frustrant pour le lecteur avide de paysages tibétains, de rester de longues années enfermé avec Alexandra David-Néel acariâtre et sa « femme à tout faire » dans sa forteresse de Digne.
Bien-sûr, cette oppressante observation de la senescence de l’aventurière n’est pas sans intérêt.
On y découvre un caractère excessif là où l’on s’attendait à une retenue exemplaire de la part d’une bonze. Et c’est là la visée de ce diptyque, révéler l’enfant blessée derrière la femme indomptable.
Sa dualité rend nos réactions ambivalentes elles aussi. Entre répulsion face à la violence psychologique (cette Marie-Madeleine en martyre consentante!) et une profonde admiration pour son incroyable parcours.
Alexandra David-Néel même à 100 ans n’avait rien d’une gentille petite mamie sénile et elle voulait que ça se sache ! Force de la nature, bête de travail, puits de sciences jusqu’au dernier souffle.
Une empreinte forte bien restituée dans le récit, mais un survol des 14 années de voyages en Asie comme une anecdote…

Le Tour du monde du roi Zibeline (Jean-Christophe RUFIN)

note: 4... Laëtitia - 3 mai 2017

Vous aimez voyager sans bouger de votre fauteuil, arpenter des contrées exotiques et inconnues, découvrir des personnages qui ont façonné l’Histoire ? Dans «Le Tour du monde du roi Zibeline», Jean-Christophe Rufin joue à merveille avec les codes du roman d’aventures pour vous emporter loin de votre quotidien et réhabiliter un personnage haut en couleur de l’histoire de France et tombé dans l’oubli, Auguste Beniowski. Certes, l’auteur a pris des libertés avec la réalité pour en faire un personnage plus solaire, généreux qu’il n’était, mais son destin n’en demeure pas moins mouvementé et passionnant.
Découvrez donc l’histoire de ce jeune comte d’Europe centrale, enfant du Siècle des Lumières, qui après avoir été spolié de l’héritage paternel, deviendra meneur d’armée dans toute l’Europe, exilé en Sibérie d’où il s’échappera avec sa future femme, Aphanasie, fille d’un gouverneur, devenant capitaine de navire, voguant de la Chine à Macao, rentrant en France pour être chargé par le Roi de créer une colonie à Madagascar.
Au récit d’aventures se mêle une réflexion humaniste, puisque Beniowski, inspiré du Siècle des Lumières, époque s’il en est des libertés et des fraternités, va finalement refuser de remplir ce rôle, contrant les visées colonialistes et esclavagistes de la France, allant chercher de l’aide en Amérique auprès de Benjamin Franklin et de Washington pour développer une nation libre.
Une histoire passionnante, servie par le style inimitable d’un Rufin en grande forme.

Lost in French (Lauren COLLINS)

note: 3Lost in french, lost in GenevaAnonyme - 19 avril 2017

L’anglais a t-il toujours été la langue officielle aux Etats-Unis ? Eh bien non, et ce qui semble tellement évident aujourd’hui ne l’était pourtant pas aux origines de ce pays, patchwork européen entré en collision avec la culture indienne. Les allemands, les néerlandais et même quelques frenchy revendiquaient l’usage prioritaire de leur langue. Ecrasante victoire de l’anglais par KO… Quoique, l’avenir linguistique pourrait changer de continent…
C’est ce genre d’anecdotes pas si anecdotiques dont regorge le livre de Lauren Collins, comme de passages plus intimes sur les repas de famille.
Elle partage son expérience de jeune américaine mariée à un français qui l’entraine vivre à Genève.
Sur un ton certes distrayant, l’auteur soulève néanmoins de légitimes questions sur la langue et l’identité et distribue généreusement de pertinentes informations.
Cette question de la langue est si riche, elle impacte et est impactée par tous les domaines socioculturels : nourriture, loisirs, relation amoureuse, relations de voisinage…
Les premières pages relatant les débuts à Genève ne laissaient pourtant pas présager un contenu aussi subtil, heureusement, l’entrée un peu lourde, maladroite, fait place à de beaux passages plus sociologiques et littéraires.
A noter la part importante de la spécificité genevoise dans son expérience, il s'agit à la fois d'un témoignage sur la langue française et la culture genevoise (suisse c'est un peu trop large tant Genève fait bande à part dans la confédération.)

Mes indépendances (Kamel DAOUD)

note: 4Quand le chroniqueur du quotidien d’Oran observe le mondeAnonyme - 19 avril 2017

Je suis pleine d’admiration pour Kamel Daoud, sa pensée claire, sa langue limpide. Il a cette capacité à faire mouche à chaque billet sans verser dans le spectaculaire. Les mots sont toujours justes et dosés. Résistant aux pressions subies dans son pays, il sait tout aussi bien échapper aux clichés occidentaux où sont enfermés les intellectuels méditerranéens. Son point de vue n’est pas euro-centré et c’est particulièrement sain d’adopter parfois un autre angle pour envisager l’actualité, même si ça pique parfois l’amour propre mal placé.
On lit souvent que dans ses chroniques « personne n’est épargné », mais il ne me semble pas que M.Daoud ait une âme d’assassin. Son objectif n’est pas de blesser, il touche sans couler.On peut bien entendu ne pas adhérer à tout, mais force est de reconnaître le caractère exceptionnel de cet homme, sans doute un très grand esprit de l’époque.

Dans la Forêt (Jean HEGLAND)

note: 4... Laëtitia - 15 avril 2017

C’est un roman d’anticipation qui raconte la survie de deux sœurs adolescentes après un chaos politique non identifié (une allusion aux fondamentalistes d’Armageddon) : des rumeurs de populations décimées par des virus, de Maison Blanche brûlée, plus d’électricité ni de contact avec le monde extérieur font que les sœurs préfèrent vivre au milieu de cette forêt primitive de grands séquoias en espérant le retour de la civilisation. Le lecteur entre dans le vif du sujet par un astucieux biais : Nell, la narratrice, a reçu pour Noël de sa sœur Eva un cahier dans lequel elle va consigner le lent dérèglement du monde, mais surtout leur nouvelle vie, et de ce fait, nous faire partager ces moments du quotidien faits d’abattement, de survie, mais aussi de joies infimes et de symbiose avec la nature.
On se laisse emporter par ce huis-clos réaliste, quasi organique, par la présence permanente de la forêt, tout à tour féerique, terrifiante, nourricière, emmené par la personnalité attachante et combattive de Nell, la narratrice, dont l’évolution intellectuelle et spirituelle, au plus près de la nature, est source de réflexions à méditer : «Avant j’étais Nell, et la forêt n’était qu’arbres et fleurs et buissons. Maintenant la forêt, ce sont des arbres à suif, des érables à grandes feuilles, des paviers de Californie, des baies, des rhododendrons, et je suis juste un être humain, une autre créature au milieu d’elle. Petit à petit, la forêt que je parcours devient mienne, non parce que je la possède, mais parce que je finis par la connaître. Je commence à saisir sa diversité. Je commence à comprendre sa logique et à percevoir son mystère. Où que j’aille, j’essaie de noter ce qu’il y a autour de moi – un massif de menthe, une touffe de fenouil ou un champ d’amarante à ramasser maintenant ou plus tard quand je reviendrai, quand le besoin se fera sentir ou que ce sera la saison».
Une nouvelle vie serait donc possible au cœur de la forêt…

A la table des diplomates (Laurent STEFANINI)

note: 3...Anonyme - 5 avril 2017

Diplomates, historiens et grands cuisiniers pour mettre le couvert. Il est vrai, le sujet est facile, dès que l’on touche à l’estomac…Le potentiel érotique du domaine a été largement exploré, il est plus rare de trouver des ouvrages mêlant menus et relations internationales.
Alors oui, l’éditeur a joué la carte du glamour avec une 1ère de couverture Jacky Kennedy, mais il y a réellement bien plus à l’intérieur.
Les repas officiels replacés dans leur contexte sont riches d’enseignements géopolitiques. Les lieux, les cérémonies ayant précédées ou suivies, les invités et les absents bien-sûr, le contenu et les contenants, chaque histoire a sa petite note croustillante.
Les choix iconographiques participent pleinement au plaisir de cette lecture.

Le Français (Julien SUAUDEAU)

note: 4... Laëtitia - 31 mars 2017

«Le Français» est un roman court, âpre, sur un sujet brûlant : la conversion, puis la radicalisation d’un jeune Français de souche. «Le Français» n’a pas de prénom, car désincarné et semblable à de nombreux jeunes laissés pour compte ; tout juste le lecteur sait-il qu’il s’agit d’un blond aux yeux bleus qui mène une vie monotone en Normandie, entre petit boulot précaire, dépit amoureux et cellule familiale éclatée (un père absent, un beau-père alcoolique et violent qui le frappe à coups de ceinture). Quand Mirko, petit trafiquant d’Europe de l’Est, lui propose de réparer des ordinateurs à Bamako, il voit là une opportunité de fuir cet horizon bouché et de changer de vie. C’est là que tout bascule : suite à de mauvaises rencontres, il va faire son apprentissage d’un Islam radical auprès du Professeur : «En plus de nos lectures et de l’apprentissage des Cinq Piliers, le Professeur m’enseignait la taqiya, l’art de la poudre aux yeux : « C’est une ruse divine et une stratégie de guerre. Tu vis comme ton ennemi pour qu’il te croie ton ami». En l’écoutant me parler de la dissimulation, je me demandais parfois si à force de se cacher on ne finissait pas par ne plus savoir quand et avec qui on faisait semblant. Les jours où il s’absentait, il m’arrivait de penser que je faisais semblant d’être musulman et de suivre les enseignements du Prophète. Mais si j’essayais de me rappeler dans quel but je jouais cette comédie, je perdais tôt ou tard le fil et j’en arrivais toujours à la conclusion qu’il valait mieux y croire, pour ne pas oublier tout à fait qui j’étais».
La grande force de ce livre est de nous faire entrer dans la tête du personnage, d’assister à sa lente dérive, de ressentir son euphorie, ses doutes, tous ces sentiments contraires qui constituent un être humain, par le biais d’une narration à la première personne.
Un roman dérangeant où l’on suit, effaré, le lent processus de déshumanisation qui va mener ce jeune-homme jusque dans une forteresse en Syrie, où il côtoie l’E.I. et en deviendra un bourreau efficace.
Malgré la pesanteur d’un tel sujet, un roman essentiel pour mieux appréhender notre époque, s’interroger sur les failles du système et enrayer ce mal insidieux, et enfin sortir du manichéisme.

Le Grand combat (Ta-Nehisi COATES)

note: 3... Laëtitia - 18 mars 2017

Dans ce roman d’initiation largement autobiographique, l’auteur-narrateur retrace son enfance, puis son adolescence hors des sentiers battus dans un des quartiers les plus durs de West Baltimore, dans les années 80, où le crack, les flingues et les bastons sont légions. Mais aussi l’émergence de la culture hip-hop, l’éveil à la conscience politique et la fraternité, bouffées d’air pur dans ce paysage anxiogène.
Ta-Nehisi, guidé par un père ex Black Panther avant-gardiste et hors norme, mais aussi par sa bonne étoile, marque déjà sa différence et possède en lui les ressources pour transcender son destin : «Moi, mon truc, c’étaient les calumets et les traités de paix. Mon style, c’était la tchatche et l’esquive». Soit l’armure de l’écrivain et penseur en devenir, plutôt que l’appartenance à un gang ou la violence.
Évoquant la relégation dans des ghettos, la discrimination, l’auteur n’en épingle pas moins la communauté afro-américaine, la dépeignant sans angélisme : «On m’avait nourri de récits sur les combats de nos aînés. Mais quelle déchéance autour de moi : la télé câblée et la console Atari dans chaque pièce, des mères adolescentes, des nègres arborant des baskets qui valaient autant qu’une traite immobilière. Les Conscients savaient que la race toute entière était menacée de naufrage, que nous nous étions libérés de l’esclavage et de la ségrégation, mais pas des fers de l’esprit».
Bourré d’autodérision, agrémenté de références à des théoriciens ou écrivains engagés (Malcolm X, James Baldwin, Nat Turner) et d’une playlist de rap et de musique afro (afrika Bambaata, LL Cool J, Public Enemy, Burning Spear), voici un roman passionnant qui donne envie de découvrir un des fers de lance de la pensée afro-américaine contemporaine, adulé par Toni Morrison et Barack Obama, et de lire dans la foulée «Une colère noire» (National Book Award en 2015).