Critique

 

Gabriële (Anne BEREST)

note: 3Gaby oh Gaby Laëtitia - 31 janvier 2018

Gabriële Buffet-Picabia a toujours été en avance sur son temps, et son premier fait d’arme sera d’être la première femme à intégrer la Schola Cantorum, dans la classe de composition, à l’âge de 17 ans. Pour fuir une éducation traditionnelle et échapper à l’imminence d’un mariage arrangé, elle part pour Berlin suivre les cours magistraux de Ferruccio Busoni. Là, elle découvre l’effervescence de la création et l’émulation intellectuelle entre artistes, mais aussi la vie de bohème. Mais deux ans plus tard, elle lâche tout par amour pour Francis Picabia, génie en devenir dont elle sera sans conteste «l’accoucheuse». Très entourée (aimée de Duchamp et entretenant une amitié forte et dénuée d’ambiguïté avec Apollinaire), elle n’en demeurera pas moins la femme d’un seul homme, malgré ses crises maniaco-dépressives, son goût prononcé pour l’opium et ses nombreuses maîtresses.
Dans ce roman biographique écrit à quatre mains par les arrière-petites-filles de Gabriële, c’est tout un pan de l’histoire de l’art du début du XXe siècle qui s’anime devant nos yeux éblouis et voit l’avènement des avant-gardes en peinture (cubisme, futurisme), littérature (dadaïsme) et musique (Stravinsky et son révolutionnaire «Sacre du printemps», Debussy, Ravel…).
C’est aussi une réhabilitation de la figure de Gabriële, paradoxale car à la fois féministe et s’effaçant pour laisser toute la place à Picabia. Cette artiste malgré elle, dont on trouve le nom dans la biographie des autres, a enfin droit à la lumière et ce n’est que justice.