Critique

 

Tropique de la violence (Nathacha APPANAH)

note: 4Une bien sinistre "île aux enfants" Laëtitia - 20 octobre 2016

Originaire de l’île Maurice, l’auteure a vécu deux ans à Mayotte, où elle a été marquée par la dureté de la vie, tout spécialement concernant les enfants des rues, de jeunes Comoriens souvent livrés à eux-mêmes. «Tropique de la violence» ne s’attarde guère sur le cliché de carte postale de ce département d’outre-mer (flore luxuriante, lagon bleu). Car si le récit commence tout en douceur, avec l’adoption par Marie, infirmière trentenaire blanche, d’un bébé clandestin (Moïse) et relate leur vie empreinte de confort et de rituels, celui-ci va vite basculer dans l’horreur avec la mort de Marie et le désarroi de Moïse, qui va devenir à son tour un enfant des rues et grossir les rangs du plus grand ghetto de Mayotte, rebaptisé «Gaza». L’originalité de ce roman réside dans la polyphonie des voix qui se relaient, chapitre après chapitre, pour faire valoir leur point de vue sur la tragédie en cours, y compris en faisant intervenir l’esprit des morts. Une écriture à fleur de peau, âpre, en accord avec le climat social empreint de violence. Pas de manichéisme ni de jugement moral concernant les personnages tel Bruce le caïd de Gaza, bourreau mais aussi ancienne victime, l’on voit bien toutes les contradictions dans lesquelles sont empêtrées les personnages, englués dans une sorte de fatalité. Assurément un des plus beaux et bouleversants livres de cette rentrée littéraire.