Critique

 

The Girls (Emma CLINE)

note: 4Flower power dévastateur Laëtitia - 17 septembre 2016

La toile de fond de ce premier roman : la Californie hippie de la fin des années 60, marquée à jamais par un fait divers atroce, le massacre de Sharon Tate, actrice enceinte de 8 mois et compagne de Roman Polanski, et de ses hôtes, par des membres de la «famille» Manson, du nom du gourou satanique Charles Manson. Pourtant, dans ce premier roman brillant, l’auteur choisit une approche sociologique et psychologique, s’intéressant non pas au gourou mais aux failles, aux fragilités de ces femmes fanatisées qui n’hésitèrent pas à torturer et à tuer comme pour punir une société bourgeoise et capitaliste qu’elles rejetaient de toutes leurs forces. Elle aborde cette histoire par le biais de sa narratrice fictive, Evie Boyd, une femme sans âge, vivant solitaire dans une maison au bord du Pacifique et qui se remémore l’été de ses 14 ans où elle croise dans un parc une bande de filles aux cheveux longs et aux robes sales, «aussi racées et inconscientes que des requins fendant l’eau».
C’est l’histoire universelle d’une adolescente mal dans sa peau qui va basculer au contact d’une rencontre : irrésistiblement attirée par une jeune fille brune, Suzanne (inspirée de Susan Atkins, présente lors de tous les meurtres commandités par Manson) qui semble la meneuse de la bande, Evie va abandonner son confort bourgeois pour la suivre et vivre dans une communauté, le Ranch, dirigé par Russell (alter-ego de Manson) où l’on pratique l’amour libre, où tous les biens sont mis en commun. Avec justesse, l’auteur dépeint les moments d’euphorie, de liesse, de se sentir vivant, appartenant à une communauté, mais aussi l’idéal communautaire qui va se fissurer jusqu’au point de non-retour. Alors que les meurtrières commanditées par Manson se sont emmurées dans le silence, Emma Cline leur donne une voix et tente de s’approcher de l’indicible.