Critique

 

Titus n'aimait pas Bérénice (Nathalie AZOULAI)

note: 3Prix Médicis 2015 Laëtitia - 21 novembre 2015

Comment surmonter un chagrin d’amour, surtout quand on est intimement persuadée que votre amant s’est «sacrifié» par «devoir familial», vous quitte alors que le sentiment amoureux est toujours là ? La narratrice, une Bérénice contemporaine, à la lecture d’un vers de Racine, pressent qu’elle doit se plonger dans l’œuvre du grand dramaturge pour mieux comprendre les instincts qui gouvernent les hommes et se guérir des passions mortifères. «Elle trouve toujours un vers qui épouse le contour de ses humeurs, la colère, la déréliction, la catatonie…Racine, c’est le supermarché du chagrin d’amour » se dit-elle à elle-même et à ses amis. L’histoire du chagrin d’amour est très vite éclipsé au profit de la vie romancée de Racine, faite de contrastes et de tiraillements permanents. D’abord, entre son éducation janséniste et le monde du théâtre qui l’ouvre à une vie futile, où les actrices se donnent à lui plus dans l’espoir d’obtenir le premier rôle que par véritable amour. Ensuite, entre son allégeance à Louis XIV, peu compatible avec celle de Dieu, entre le dénuement de la vie monastique qu’il a connu dans sa prime jeunesse et la pompe de la Monarchie qui l’aimante. Collectionnant les amantes, côtoyant La Fontaine,Corneille, Molière et ami de Boileau, historiographe du Roi Soleil, on redécouvre un Racine furieusement moderne et vivant, loin du personnage austère que certains ont dépeint. Pas étonnant que le Prix Médicis 2015 lui revienne !