Critique

 

Le Turquetto (Metin ARDITI)

note: 4lumineuxAnonyme - 26 janvier 2012

Peut-on gommer la vie d'un homme ? Un maître de la Renaissance aurait-il connu ce sort ?
Pour répondre, Metin Arditi, mêle habilement vérités archivistiques et imagination.
Elie Soriano est un enfant très doué pour le dessin qu'il pratique en cachette, car la représentation humaine n'est autorisée ni dans je judaïsme, religion de ses parents, ni dans l'islam, celle de la terre où il grandit, l'Empire Ottoman. Il s'enfuit vers la Venise des coloristes. Le lecteur le retrouve adulte, reconnu de ses pairs. Il est désormais le "Turquetto" ("petit turc" surnom que lui a attribué Titien) dont l'atelier ne désemplit pas. Mais Venise l'intrigante regorge d'ambitieux, usant dans leur guerre de l'assassinat comme de l'art, de l'art comme d'une arme.
Turquetto va chuter, nous le savons. Vous serez néanmoins absorbés par ce roman dont on connait l'aboutissement, car vous aurez envie de savoir pourquoi et comment.
Ce roman lumineux sous la plume raffinée de l’auteur, nous met face à l'angoisse de la disparition. Quelle trace laisserons-nous dans la longue fresque humaine ? Aucune, ou pire, une que nous n'aurions pas choisie et qui nous trahirait.
Belle réflexion aussi sur l'identité, la filiation, tel un cordon suffisamment souple pour que l'on puisse s'éloigner du nombril des origines, sans pour autant pouvoir le rompre. On est troublé par la relation au père, celui qui inspire la honte, puis se réincarne dans toute sa dignité sous le pinceau du fils.