Critique

 

Pigeon, vole (Melinda NADJ-ABONJI)

note: 3Nouvelle littérature suisseAnonyme - 27 mars 2013

Pigeon vole, librement lui, sans papier, sans frontière. Lorsque la famille Kocsis, yougoslave de Voïvodine (enclave de langue hongroise) émigre à Zurich, ce n’est pas si simple. Les filles, Idliko et Nomi doivent rester au pays avec mamika, la grand-mère, en attendant l’autorisation administrative pour rejoindre leurs parents obtenue en 1973. D’abord blanchisseurs, ils deviennent restaurateurs sur la rive dorée du lac. Une place au soleil durement méritée, à coups de travail acharné en restant sourds aux commentaires à l’égard des immigrés, surtout lorsque ceux-ci sont originaires d’un pays où une guerre fratricide éclate… Récit de l’exil par la voix de l’enfance et de l’adolescence, ce roman social n’a pas l’amertume glaçante mais plutôt la nostalgie lucide. Entre révoltes et joies,le parcours initiatique de Nomi ressemble sûrement à celui de l’auteure, née en 1968 en Serbie. Ce roman semble jouer une petite musique tant la langue est particulière, rebondissant du magyar, au serbe en passant par le schwyzerdütsch. La littérature de l’immigration, abondante en France, l’est moins en Suisse (peut-être est-elle juste moins visible ?) et cette œuvre a le mérite de la mettre en valeur (Buchpreis de Francfort 2010). Comme les deux faces d’une médaille, M. Nadj Abonji pour la Suisse alémanique, Agota Kristof en suisse romande, enrichissent la littérature helvétique de leurs couleurs d’origine.