Critique

 

La Convocation (Herta MULLER)

note: 3Lettres roumaines Salon du livre 2013Anonyme - 13 mars 2013

Une ouvrière d’une usine textile glisse un petit mot dans une poche de pantalon destiné à l’exportation vers l’Italie. Une anecdote, presqu’une plaisanterie. Sauf lorsque cette scène se déroule en Roumanie sous la dictature. Depuis ce jour, elle est convoquée et interrogée régulièrement par un agent de la Securitate. Depuis le tramway qui l’emmène à sa convocation, défilent le quotidien terne du peuple oppressé, et la vie volée de cette femme.
Tous les mouvements intimes de la raison - questionnement, doute, révolte, renoncement - sont disséqués méthodiquement au point que l’on sent à peine à quel moment elle se perd… La raison, plus encore que le sentiment, interroge aussi l’autre, le délateur, le bourreau. Celui qui a le pouvoir sur une vie par simple opportunisme politique et dont le zèle n’est que le cache-misère d’une vie médiocre habitée par un être inconsistant. La force de l’écriture percutante en phrases courtes frôle la poésie. Un roman glacial sur l’abus de pouvoir dans une société « meute », thème récurrent d’Herta Muller, elle-même réfugiée en Allemagne en 1987 après avoir subi l’oppression du régime Nicolae Ceaușescu. Souabe, minorité germanophone de Roumaine, elle écrit en allemand. Elle est la douzième femme Prix Nobel de littérature.